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La réponse de Petite Nature au président de Grand Chambéry

Réponse à Xavier Dullin, Président de Grand Chambéry.
Nous ne sommes pas des adeptes de Facebook, mais votre post est arrivé malgré tout à nos oreilles. Certainement trop naïf, nous tombons à la renverse en lisant vos écrits.
Voici donc que les derniers maraîchers de Chambéry sont des complotistes, des menteurs et des malhonnêtes ! Nous sommes jetés en pâture sur la toile, sans notre consentement. Facebook est donc devenu un outil privilégié des politiques pour faire de l’information et surtout de la désinformation. Est-ce donc la nouvelle arme des élus, en manque de notoriété, pour arriver à leurs fins ? C’est démocratique ça ?
En ce qui concerne Petite Nature, il est évident que vous ne connaissez rien à la longue histoire de la dernière exploitation maraîchère de Chambéry. Ce n’est pas la première fois que l’on a des déboires avec la Ville de Chambéry pour du foncier, c’est même assez cyclique, à chaque nouvelle municipalité. On en a vu passer des élus. Mais fût un temps, où ces hommes politiques se déplaçaient pour voir le terrain et discuter avec les intéressés, les yeux dans les yeux. C’était plus sain. 
Expliquons ce qui s’est réellement passé, pour ça, un peu d’histoire :
– Année 1970 
Construction des ateliers municipaux. C’est la belle époque du béton. Un nombre effarant d’exploitations agricoles sur Bissy sont rasées pour faire place à la zone industrielle. Une disparition quasi totale des maraîchers péri-urbains, là où justement, se trouvent les meilleures terres, du plat et de l’eau. Mais face à la croissance les maraîchers ne pèsent pas lourds. Les transports compensent la perte de production en local.
En ce qui nous concerne, mon père et grand-père perdent 1 ha de terre. Pas d’opposition possible, pas d’échange de terre. La Ville nous finance juste un nouveau forage, sur la propriété plus proche de la ferme, pour remplacer le forage creusé de la main du grand-père, le puit était situé là où maintenant il y a les ateliers municipaux.
Un hectare englouti sous le béton.
– Année 1999-2000
Agrandissement du Parc des expositions. L’exploitation perd 4830 m2 de terre familiale. Cette perte compromet l’avenir de la ferme. Un compromis est trouvé. Une parcelle de 1,20 ha sur Charrière Neuve, à 200 m de la ferme, appartenant à une ancienne famille de maraîcher à la retraite, la famille Buevoz, maintenant tous décédés. Madame Buevoz accepte de vendre la parcelle à Chambéry à condition que ce soit nous-même qui la cultivions et que cette parcelle reste en agricole. La Ville achète donc la parcelle et nous devenons locataires de 1 ha avec un bail rural de 25 ans. Mon père devient propriétaire de 2000 m2. Le bail se termine en février 2026.
On fait installer un compteur électrique pour alimenter la pompe d’arrosage installée dans un nouveau forage. Au moment du forage, la machine se positionne sur un coquelicot en fleur, la machine creuse sur 15 m et tombe sur de l’eau en abondance : magique ! Cette parcelle est nommée : «les coquelicots». Une terre sans cailloux, un peu argileuse, pas facile à travailler est très riche et donne d’excellents légumes. En bio depuis 2004, amendée tout les ans avec du fumier, elle produit d’abondantes récoltes de légumes qui représentent maintenant 40 % de notre chiffre d’affaires.
Pour finir, les 4830 m2 proches du Parc des expositions terminent sous le béton.
– Année 2006
Construction du Phare : 2000 m2 dans le viseur des bétonneurs. Nouveau combat qui se termine vite car la municipalité nous fait comprendre que, en 2000, on avait récupéré plus de terre que l’on en avait perdu. Soit. «Pour le bien de la collectivité», comme ils disent… Sur ce terrain, au nord de l’exploitation, se concentrent les tunnels maraîchers. La perte de cette surface nécessite la modification de tous les tunnels, passant de 60 à 40 m de long. La Ville nous dédommage pour la perte de culture et le travail en plus occasionné. Pour finir, les 2000 m2 terminent encore sous le béton. On a vu partir par camion, on ne sait où, cette terre nourricière ancestrale. Soupirs…
– Avril 2019
Début d’un nouveau combat. Premier rendez-vous à Curial, avec le service d’urbanisme. On apprend que Chambéry a un projet d’agrandissement du Centre Technique Municipal et vise la parcelle «les coquelicots». La promesse de la Ville faite à la famille Buevoz, en 2000, est vite oubliée !Madame la responsable de l’urbanisme nous propose, pour compenser cette perte, une parcelle de 6000 m2 à Bissy, face au stade Mager. C’est une ancienne ferme en ruine dont la Ville est propriétaire. Nous refusons l’offre et dénonçons l’aberration de bétonner «les coquelicots», elle fait partie des dernières parcelles maraîchères de bonnes qualités, en pleine production. Irremplaçables.
– Début juin 2019
La Chambre d’Agriculture nous alerte que dans le nouveau PLUI la parcelle «les coquelicots» passe en constructible et se positionne contre ce changement. La Direction Départementale du Territoire fait de même. Il est bon de le souligner.
– Vendredi 5 juillet
On décide, de notre propre chef, de faire une pétition pour informer les citoyens et pour dénoncer la modification du PLUI. D’autant plus que dans le projet d’agglomération 2017-2030 «La fabrique du territoire» est stipulé que l’urbanisation n’impactera pas le sol agricole, soit disant «grande cause de l’agglomération». 
Cette pétition prend une ampleur incroyable. Elle est relayée par toutes les associations et personnes sensibilisées à ce sujet.
Preuve est faite que le désir des citoyens n’est plus celui de 1970.
– Jeudi 23 juillet 
La pétition inquièterait nos élus ?
Deuxième rendez-vous avec le service d’urbanisme. Un peu dans la précipitation, on nous propose, cette fois-ci, 3 ha de terre, à Bissy, face au stade Mager. Le propriétaire de ces 3 ha est présent à la réunion. Un peu surpris d’être convoqué par la Ville, il explique que cette surface est déjà exploitée par un autre agriculteur. Par conséquent, cette parcelle est loin d’être disponible pour faire du maraîchage et de plus il n’y a pas d’eau pour l’arrosage. Située à 2 km du siège de l’exploitation, ce terrain est loin pour du maraîchage qui réclame un suivi et un travail quotidien, desservi par une route d’accès à grande circulation, pas facile avec les véhicules agricoles. 
Bien évidement nous refusons. Il n’est pas question que l’on bétonne les coquelicots, à quoi bon déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
On demande donc de conserver la parcelle «les coquelicots» en agricole et de renouveler le bail de 25 ans. Par ailleurs, si des parcelles agricoles se libèrent, pourquoi ne pas installer de nouveaux maraîchers ? 
Sur ces terres en périls quatre générations de maraîchers se sont succédées. Depuis, Petite Nature, est devenu un lieu ressource dans le milieu du maraîchage biologique pour les professionnels. Stagiaires et salariés ont pu profiter de ce savoir-faire pour s’installer à leur tour. Sans compter le travail de sensibilisation auprès des jeunes (scolaires, maison de l’enfance, étudiants), sans compter la dimension sociale.
Fin de l’histoire.
Et on a toujours pas vu l’ombre d’un élu ! 
Où est le procédé malsain qui met en péril la démocratie, où est la malhonnêteté intellectuelle, M. Dullin ?
Nous n’avons que faire de ces histoires de politiques, notre seul but est de préserver le vivant en cultivant les dernières terres maraîchères de Chambéry dans un secteur où le développement économique a fait suffisamment de tort à toutes les familles maraîchères, disparues maintenant, qui on nourrit pendant des siècles les Chambériens et Chambériennes. 
C’est le début du réchauffement climatique, les prévisions sur la température et sur la réserve en eau sont assez inquiétantes. Il est urgent de se soucier de l’autonomie alimentaire des citoyens et d’être responsable face aux générations futures.
A suivre…
Un grand merci à toutes les personnes et acteurs qui nous soutiennent.
Carole Durand & Franck Vuillermet
Associés GAEC Petite Nature

Le texte ci-dessus répond au texte de Dullin ci-dessous

https://www.facebook.com/xavier.dullin/posts/10158048460674298

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